Coeur d’ombre.

Shadow Hearts est un jeu qui rentre dans la catégorie RPG. RPG-Jap, disent les connaisseurs, pour le différencier des productions occidentales. En effet, dans les rpg nippons, le joueur suit une histoire fixe, le côté RPG étant assuré par les niveaux, les caractéristiques ; alors qu’en occident, c’est plus le côté histoire à choix multiples qui est mis en avant (The Witcher, Vampire, Elder Scrolls). Je ne vous apprends sans doute rien, mais sait on jamais.

Bien, par ou commencer ? C’est un jeu qui a subit un triste sort. Sortit en 2002 en Europe, à peu prêt en même temps qu’FFX, il est tombé dans l’ombre de la production Square. Tout le long du jeu, on sent bien que les développeurs (Sacnoth) l’ont fait avec trois franc six sous. L’aventure s’ouvre sur une scène cinématique fort euh « moche ». Les persos font très plastique, l’animation est assez misérable. C’est un peu comme si un type faisant des films de série B avait eu l’idée d’en faire un en image de synthèse. Les décors du jeu, bien que la plupart du temps splendides, sont en 2D précalculé à la FF version play1, et les combats 3D possèdent une arène minuscule cernée par de la 2D pixélisée moche. Mais brayf, On y découvre les deux personnages principaux, Alice Elliot, une jeune anglaise doté de grands pouvoirs mystiques, et Yuri Hyuga, un japonais Harmonixer. Un Harmonixer, pure invention du jeu, est un être capable de fusionner avec divers démons pour se rendre plus fort.

Je dis pure invention, parce que le reste du jeu, bien que sous forme d’une uchronie par rapport à notre propre monde, emploie des magies directement inspirées de légendes humaines : Dons Vampiriques, Feng Shui, Télékinésie, j’en passe et des meilleurs.

Uchronie donc, les personnages se retrouvent dans un train filant à travers la Mandchourie (un territoire au nord est de la chine) durant l’automne 1913. Pris à partit avec un sorcier gentleman fort bourrin, Roger Bacon, ils sauvent leur peau grâce à une réaction étrange d’Alice, et un bon parpaing dans la tronche de Yuri. A peine remis de leurs émotions, ils font la connaissance l’un de l’autre. Alice est une gentille demoiselle un peu farouche, alors que Yuri un jeune homme sur de lui qui aime la castagne et la détente. Il cherche à la protéger à cause d’une mysterious voice qui résonne constamment dans sa tête, lui provoquant de sacré migraines s’il dévie de ses indications. Ils vont alors entamer un long périple à travers la chine, puis l’Europe, afin de comprendre la vérité derrière les actes de Bacon, et éviter les maux de têtes !

L’aspect uchronique est ma foi fort bienvenue. Dans leur monde, la chine est en proie à de graves troubles avec leurs homologues japonais, qui cherchent à l’envahir. L’Europe est, elle, au bord de la première guerre mondiale. Il est toujours intéressant d’aller dans des lieux « vrais » comme Shanghai, Rouen, Londres ou Prague. Le côté horreur/magie sert d’autant plus quant on apprécie quelque peu le surnaturel : découvrir notre monde en proie à des forces le dépassant, voilà bien un rêve de gosse jamais complètement oublié pour tout amateur de fantastique. Toute la partie en Asie, tirant à fond sur la carte du Feng Shui, est donc très agréable. Des mots comme Tigre Blanc, Tortue Noire, Phoenix Rouge, Dragon Bleu ou encore les Cercles d’invocations, les divers Portes du Démon, tout cela parlera à l’amateur éclairé de contes et légendes chinoises.

L’autre face du jeu, qui rend le tout encore meilleur, est un côté très comique dans le gore. Par exemple, le premier village qu’atteignent nos jeunes gens est en faite envahis par une sombre malédiction imposée par un dieu corrompu qui rend tout les habitants cannibales (brrr). Banal me direz vous, oui mais les noms des habitants du village sont en rapport avec leurs fonctions/caractéristiques principales. Sympathique de voir un Mayor Chief, très drole de parler à une low-breast woman qui allète encore son petit dernier. Tout le jeu est fait ainsi, des situations parfois relativement dures, toujours contrebalancée par un aspect comique totalement hors de propos, donc fatalement jouissif. Entre Yuri, jamais le dernier sur la déconne, Zuzhen le vieux sage qui rabroue  constamment la jeunesse, Margarete la super espionne qui réussit ces actions par des coups de pots improbables ; et tout cela entouré de divers monstres et autres joyeusetés sortit du septième cercle des enfers. Une combo qui dépote.

Point de vue gameplay, il y a du bon comme du moins bon. Les combats, bien qu’aussi moches que le reste du jeu, sont sacrément rythmés par des caméras fort bien exploitées, les divers sortilèges rendent pas trop mal (bien qu’un drôle d’effet vienne parfois gâcher le tout : le sort se lance d’abord du point de vue joueur et agit ensuite du point de vue monstre, faisant disparaitre l’équipe). Une trouvaille sympathique est l’adjonction d’une jauge de Points de Santé Mentale, qui décroit inlassablement à chaque tour qui passe. Directement sortie d’un Cthulhu de Lovecraft, les persos peuvent devenir complètement fou en combat face aux horreurs qui apparaissent devant eux. Cela rend les combat un peu tendus quand ils durent, genre les boss tiens !

Mais la vraie invention géniale de ce jeu, c’est la Roue du Destin. Elle apparait quasiment à chaque actions en combat, mais aussi en phase d’exploration pour certains passages demandant un coup de pouce du destin. Une flèche tourne sur la roue, et divers cases colorés représentent les cibles permettant de réussir une action. Vous pouvez soit la réussir banalement, soit la rater misérablement et donc perdre un tour (fumble quand tu nous tiens), soit faire un superbe critique en touchant les zones spéciales, qui décuplent les effets de votre action. Une arme à double tranchant qui peut véritablement faire varier les combats.

Le seul vrai gros point noir du jeu est, à mon sens, sa durée de vie. Un total d’une trentaine d’heure sera le maximum pour torcher le jeu en première partie, quêtes annexes comprises. Il n’est pas spécialement dur, ne demandant jamais de leveling à outrance. Le new game+ inclus débloque deux trois objets rigolo, un comparatif de scores pour ceux qui aiment ça, et la possibilité de voir une autre fin. Ce n’est pas byzance ouais ! Mais bon, l’ambiance est absolument génial, les personnages plutôt sympathiques (bien que Yuri fasse le plus cliché), l’action toujours au rendez vous. Le scénario tient bien la route, clair et efficace, pas trop manichéen. Les deux zones du monde explorées changent vraiment l’ambiance et apportent un second souffle à l’équipée.

Un petit mot sur la musique, qui est assez génial. Oscillant entre ambiance sombre à la Higurashi et rock progressif à la Aphrodite’s Child, la production musical est excellente, finissant de plonger le joueur dans l’ambiance. Entre ce jeu et Drakengard, mes gouts musicaux d’ost sont de plus en plus barrés.

Pour terminer, notons qu’il s’agit d’une suite relativement indirecte du jeu Koudelka, sortit sur Play1 en 2000, jeu classé horror/rpg, qui opérait un mix entre Resident Evil et un RPG. Il se passait à l’époque en Pays de Galle, dans une sombre abbaye, refuge de magie noire, dont certains effets seraient peut être liés à ceux de 1913…

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