Paint it, Pink !

Malgré toutes les réalisation foireuses proposées en France par Elie Chouraqui et ces potes, malgré la vague lancée en 1978 par Luc Plamondon et Michel Berger (Starmania quoi…), le sous genre cinématographique et/ou théâtrale de la comédie musicale cache parfois quelques pépites. Voici la présentation de trois “films” qui me semblent représentatifs de l’éclectisme que l’on peut trouver dans ce genre d’œuvres, pas si innocentes que ça.

Certains l’auront peut être reconnu, il s’agit du célèbre rasoir de Sweeney Todd, le diabolique barbier de Fleet Street. La page Wikipedia est remplie d’infos pour ceux qui s’intéressent aux (nombreux) antécédents de cette histoire mi-fiction mi-réelle. Le film de Tim Burton, sortit fin décembre 2007 aux Etats-Unis a connu un franc succès, comme la plupart des films de Burton me direz vous. En adjoignant son coté gothique à l’histoire originale, il insuffle un nouvel air sur ce conte fantastique pour adultes, comme pour Batman en 1989 (mon dieu que c’est kitsch actuellement). Soutenue par de très bons acteurs, une musique toujours aussi “enjouée” de Stephen Sondheim, le réalisateur de la pièce originale, le film a eu ces oscars dans tout pleins de catégories.

Ce qui est toujours très étrange avec ce support, c’est la qualité des thèmes traités et leurs profondeurs. Ici, l’on s’affiche sur un dénigrement profond de la société en générale, et de la vie à Londres en particulier. Pauvres miséreux vivant dans le caniveau, n’ayant plus que des bribes d’humanités pour s’exprimer, contraint de faire abstraction de toute morale afin de pouvoir survivre dans un monde de plus en plus enfoncé dans le libéralisme. La figure du gamin, Toby, montre toute la désillusion de l’enfance face à la sauvagerie adulte sans borne : face à l’effroi des actes de Todd, il finit par suivre le même chemin au nom de la vengeance, vengeance elle aussi clamée par Todd lors de ses monologues chantés avec ses “doux amis”. La boucle est bouclée, la comédie humaine se rit d’elle même une fois encore.
Pour citer Patrick Cothias à la fin de sa saga Les 7 vies de l’épervier : “Le spectacle est fini, et j’en suis désolé. Si je n’étais qu’un homme, j’aurais pu avoir la faiblesse d’imaginer une fin plus heureuse… mais le diable est prisonnier de sa réputation !”

La musique renforce constamment les émotions des scènes, bien plus que dans des films “normaux” : les morts s’empaquètent et les miséreux mangent à leur faim, mais à quel prix ? Malgré le contrôle imposé sur ce genre d’œuvres, il reste toujours impressionnant de voir à quel point le macabre va loin. Parce qu’il est chanté ?

Hair est sortit quant à lui en 1979. Réalisé par Milos Forman (Vol au dessus d’un nid de coucou, Amadeus, Man on the moon), il adapte ici la pièce éponyme de Gerome Ragni, James Rado et Galt MacDermot datant de 1968.

Hair, c’est avant tout une critique de la guerre du Vietnam. Sortit en même temps que Voyage au bout de l’enfer de Cimino et Apocalypse Now de Copolla, et bien avant Full Metal Jacket de Kubrick. Il traite cette fois ci des mouvements Hippies aux Etats Unis qui s’enflammèrent face à cette farce de guerre. Un jeune paysan de L’Oklahoma passe quelques jours à New York avant d’être envoyé  au Viet-Nam. C’est là qu’il fera la connaissance de Berger and pals, un groupe de hippies qui aiment faire la fête, chanter, et bruler leurs cartes de services militaires.

Se basant sur le courant musical New Age, courant inspiré par des artistes aussi divers que Pink Floyd, Brian Eno ou Tangerine Dream (sans oublier les groupes fondateurs de Rock Progressif tels qu’ Aphrodite’s Child ou Magma), l’expérience est très “psychédélique”. Il y a un court passage dans l’un des épisodes de Samurai Champloo qui explique un peu le truc, si ça vous intéresse.

Mais bref, Hair c’est donc encore une fois une dénonciation, société moralisante enfoncée dans ses principes, avec le personnage de Sheila Franklin, petite bourgeoise pudibonde qui va se laisser elle aussi entrainer par la “folie Hippie”. Le film est abrasif, louant la joie de vivre et les expériences de groupes, mais n’oublie pas son cachet dénonciation à travers des textes emblématiques. “Let the sun shine in” comme le dit l’affiche. La mise en scène finale de Forman, qui n’est pas la même que celle de Ragni, a pourtant une force d’évocation terrible. A trop jouer avec la vie, on la brule, et Berger le Hippie l’apprend à ses dépends. Il y a un coté humour noir très présent en fin de compte, que l’on peut mettre sur le compte du réalisateur plus que sur l’œuvre originale.

Et puis la représentation Parisienne était la “best ever” d’après le New York Times de l’époque, alors soyons chauvins et regardons !

Le film avait été diffusé l’été dernier sur Arte pour leur saison de diffusion “Summer of Love”.

Last but not least, LA comédie musicale du vingtième siècle, The Rocky Horror Picture Show. Encore une cause, encore une dénonciation (mais ils ne font que ça dans ces pièces !), mais très particulière cette fois ci : celle des travestis et transsexuels. Rien que ça ouais.

RHPS, c’est un énorme pot pourris aux roses en bas résille qui mélange kitsch, rock’n roll, drogues, sexe, comics et séries B. La liste des références est impressionnante, tant dans les mots évoqués que dans les thèmes, tel le “double feature” repris avec brio récemment par Tarantino et Rodriguez avec leur GrindHouse. Réalisé dans les deux cas par l’étrange Richard O’Brien, respectivement en 1973 pour la pièce et 1975 pour le cinéma (avec l’adjonction de Jim Sharman pour ce dernier). Réalisateur, acteur, scénariste, musicien, toujours loufoque et décalé, vous aurez notamment pu le voir dans l’excellent Dark City sous le rôle de M. Hand (M. Main en français). Il a créé, avec RHPS, ce que l’on appelle un phénomène au sens pure du terme. La pièce était un beau succès, mais restait dans une certaine zone de la population. Le portage sur grand écran l’ouvre au public de manière plus général, et malgré des débuts plus que difficiles (le film est un échec commercial), il a atteint avec les années un statut totalement culte, à tel point qu’il a le record du nombre d’années de diffusion en salles, notamment au Studio Galande de Paris qui le diffuse les vendredi et samedi soir depuis plus de trente ans (!). Diffusions accompagnées de sa cohorte de fans tout aussi timbrés que le réa, qui viennent déguisés, avec accessoire pour les divers scènes, rejouant parfois des passages entiers du films en live (des cosplayeurs avant l’heure !).

Scènes cultes, répliques cultes (Dammit Janet !  Great Scott !…), musiques cultes. Totally culte quoi. Ils se permettent même d’offrir l’un des derniers rôles de sa vie à Charles Gray, le seul acteur ayant jouer deux fois le rôle d’un méchant dans la série des James Bond.

Au delà de son statut, il s’agit d’une des rares oeuvres mondiale à faire la part belle à ce milieu si étrange qu’est le monde des travestis, et à aller au dela des images véhiculées sur les pauvres garçons de Tahiti qui font ça pour du pognon. Citons au passage l’excellent Priscilla, folle du désert, parce que voir l’agent Smith chanter du Gloria Gaynor en pattes d’eph, strass, paillettes et moon boots, ça n’a pas de prix.

Moeurs d’un autre monde comme le cite l’ouverture, Frank N Furter et sa clique sont des extra terrestres venu de la planète Transsexuel dans la galaxie de Transylvania (ah bah oui, hommage séries B, sous genre fantastiques littérature toussa). Deux jeunes gens bien sous tout rapports, Brad et Janet, se retrouvent à devoir demander asile en son château. Ils n’en ressortiront pas indemnes …

Le film fait en tout cas sacrément pan dans les dents au niveau de la morale et des courants biens-pensants, toujours actifs de nos jours ne l’oublions pas. Mai 68 est passé, mais depuis on nage dans le flou total et ce n’est pas avec notre chère président plus enclin au bon vieux travail, famille, patrie que cela va changer. Si vous cherchez un bon moment de rire, soutenu par du bon vieux rock’n roll, avec des thèmes originaux, sautez donc dessus.

Le madison n’attend pas !

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